Vous avez certainement entendu les rumeurs? C’est la fin du CPF? Le CPF devient payant? 100 euros/ personne? 200?

Comme toute rumeur, il y a du vrai, du faux, du rien à voir…on démêle tout pour vous!

Ce qui change?

En décembre 2022 l’amendement est passé à coup de 49,3. Il sera bientôt demandé aux bénéficiaires de contribuer financièrement à leur formation CPF.

Comme toutes les lois, nous attendons maintenant son décret d’application. Il reste à débattre de la manière de contribuer.

On ne sait pas encore si la somme demandée sera proportionnelle au cout total de la formation ou bien une somme forfaitaire. Certains parlent de 20 à 30% du prix de la formation mais rien n’est acté et c’est sans compter sur les négociations entre les instances participantes aux débats…

Pour le moment la certitude est qu’il y aurait une exonération pour les demandeurs d’emploi et une possibilité d’exonération pour les parcours co-financés avec les entreprises.

Pourquoi ça change?

Il y a 2 principales raisons qui ont poussé à cette nouvelle étape dans l’évolution tumultueuse du CPF.

Lutter contre les arnaques
Que ceux qui n’ont pas eu à répondre à ce démarchage horripilant pour le CPF lèvent la main?

Il y a eu les organismes +/- sérieux qui ont tout misé sur un démarchage agressif pour récupérer le maximum de « clients », y compris les clients qui n’avaient que très peu de motivation initiale à se former. A force d’appels et SMS avec souvent des informations incomplètes, voire mensongères, une partie importante des bénéficiaires du CPF a plongé tête baissée vers une formation inadaptée ou peu qualitative.

 

Dépêchez vous très chère madame, vous allez perdre vos droits !

Pire encore, il y a eu les organismes totalement frauduleux, surfant sur le concept, montés de toute pièce pour les arnaques, récupérant les codes personnels, promettant des cadeaux, facturant des formations n’ayant jamais eu lieu, etc…

L’Etat a mis en place tout un tas de procédures visant à réduire les organismes non qualitatifs du marché en faisant peser le poids sur les épaules des organismes de formation avec des mises à jour dans la réforme de la qualité : moins de certifications possibles, plus d’exigences Qualité; et quand on dit « qualité », on est surtout jugés sur notre suivi administratif, ce qui nous pousse à délaisser le pédagogique au profit de l’administratif…

Mais cela n’a pas suffit car les contournements ne sont pas si difficiles pour qui a les moyens financiers…

Notre avis ? cela a surtout évincé les formateurs indépendants qui n’avaient plus la capacité de répondre aux cahiers de charges et de payer les droits d’entrée…

C’est donc pour écrémer au fur et à mesure les formations bidons que l’Etat s’en remet aux bénéficiaires afin de faire le tri.

Demander un reste à charge aux bénéficiaires est une façon de limiter ces arnaques. Ben oui ! si les bénéficiaires doivent payer, ils seront aussi plus exigeants et regarderont de plus près le sérieux de la formation, le sérieux de l’organisme et leur réel intérêt à suivre la formation.

Faire des économies

Le CPF est un gouffre financier ! De 2020 à 2022, l’opérateur d’État a cumulé un déficit de 11 milliards d’euros.

Le fait est que l’argent nécessaire pour toutes ces formations CPF n’est pas provisionné ! C’est maintenant l’Urssaf qui collecte la contribution à la formation professionnelle (CFP) à hauteur de 0,55 % de la masse salariale pour les entreprises jusqu’à 10 salariés et 1,00% à partir de 11 salariés.

Cette contribution unique va ensuite être répartie par France Compétences. Le CPF n’en prend qu’une petite partie (10% à 20%) puisque la plus grosse part du gâteau va à l’alternance (entre 64 % et 72 %).

Dans le même temps, le CPF connait une crise de croissance. Dispositif très peu utilisé sous le DIF, le CPF est monté en puissance de manière exponentielle.

En 2020, le nombre de formations suivies à quasiment doublé par rapport à 2019 d’après la Dares. Son succès s’explique en partie par la simplicité d’utilisation de la nouvelle plateforme et par la transformation des heures sous l’ère du DIF à un équivalent en euros avec le CPF.

Bref, on comprend pourquoi il est nécessaire de limiter la casse…

Sauf que…

Injustice ?

D’après France Compétences, l’usage du CPF aujourd’hui, c’est 80% d’ouvriers et d’employés (et on peut imaginer qu’ils ne sont pas dans les situations les plus favorables pour demander à leur entreprise de financer la formation hors CPF).

C’est pourtant ce public qui a le plus besoin de formations professionnalisantes pour monter en compétences et évoluer.

On va donc demander aux plus précaires de contribuer…et 20% d’une formation à 1500 euros en moyenne, c’est déjà beaucoup sur l’échelle d’un SMIC.

Quid de l’alternance ?

C’est certes un dispositif qui a indéniablement fait ses preuves pour développer l’employabilité des salariés, et notamment des jeunes…pourtant, elle favorise énormément les entreprises qui embauchent à moindre cout et représente tout de même 64% du fond total de la formation professionnelle.

Paradoxe à l’empowerment

Le CPF actuel est un apport indéniable dans le monde de la formation. Il permet de redonner du pouvoir aux salariés; qu’ils puissent  avoir une montée en compétence indépendante et autonome vis-à-vis de leur employeur. Si on exonère le reste à charge en cas de co-construction avec l’entreprise, on vise à supprimer cette autonomie puisqu’il faudra l’aval de l’employeur pour se former sans frais.

Le CPF servait jusqu’à présent aussi aux personnes qui voulaient changer d’entreprise, se reconvertir, développer de nouvelles compétences professionnelles qui n’intéressent pas toujours l’entreprise actuelle…

Il y a aussi les entreprises qui ont complètement abandonné leur plan de formation et demandent aux salariés de financer eux-mêmes avec leur CPF les formations obligatoires ….

Et les organismes de formation ?

En tant que directrice d’organisme de formation, je me réjouis de la simplification du CPF. Après un démarrage de la plateforme fort en rebondissements et en aventures variées, nous avons vu le nombre de demandes CPF augmenter considérablement.

Une fois le processus rodé, on peut constater que le CPF fonctionne bien. Encore mieux, il permet une visibilité des « petits » face aux mastodontes de la formation ; que l’on n’avait pas avant…

En parallèle nous avons aussi des apprenants qui disparaissent, ne donnent plus signe de vie, ne répondent pas à nos relances, ne passent jamais leur certification, ou veulent juste une formation « plaisir »…Bref, des apprenants qui ne sont pas investis dans leur formation…et je ne peux m’empêcher de penser qu’ils seraient plus sérieux s’ils devaient payer une partie de leur poche et ne considéraient pas ces fonds comme un dû…

La plupart n’a pas conscience que nous, organismes de formation, ne sommes pas payés s’ils ne viennent pas quand bien même nous engageons tous les frais (locaux, formateur, supports de cours…).

Et si on ne faisait payer que les absents ? Et si la Caisse des Dépôts leur rendait une caution à la fin de la formation en cas d’assiduité ?

On espère que le CPF aura encore de nombreux jours devant lui. C’est une spécificité française bien difficile à expliquer à nos voisins européens. Comme toute chose, elle est ambivalente….d’un coté le CPF permet à tout actif de pouvoir se former à moindre cout, de l’autre elle dénonce de façon criante la réticence des entreprises à former ses salariés et investir dans leurs compétences